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Plans sociaux : un traitement qui peut tuer le malade | LHH

Dans la crise actuelle, réduire ses effectifs massivement, sans nécessité impérieuse, pourrait être une erreur fatale à beaucoup d’entreprises.
05/09/2022
Marine Roussannes, Co- Directrice Stratéggie et Performance Sociale

Les cabinets de conseil en restructuration le constatent : le nombre de plans sociaux en préparation explose. Et ce ne sont pas, comme ces dernières années, des plans de réorganisation, mais de pure réduction des effectifs. Il n’est plus question de départs volontaires pour optimiser les outils industriels, ajuster l’organisation ou les opérations, mais de départs massifs et contraints..

Les entreprises qui envisagent ces plans sont parfois dans des situations critiques. Elles peuvent avoir souffert de crises antérieures, comme l’aéronautique fragilisé notamment par les difficultés de Boeing, l’automobile déstabilisé par la remise en cause du diesel ou encore l’énergie et les transports. Une baisse subite et supplémentaire de 30 à 40% du chiffre d’affaires justifie de diminuer la masse salariale, simplement parfois pour éviter de déposer le bilan..

Des effets d’aubaine de la crise actuelle semblent cependant se dessiner pour d’autres firmes. Des restructurations, jusqu’alors laissées de côté par manque de justification économique ou crainte du risque social, paraissent ressortir des tiroirs..


La voiture balai du Covid-19 pourrait-elle ratisser beaucoup plus large qu’elle ne le devrait ?

Il semble essentiel de réfléchir aux conséquences d’une précipitation enthousiaste, dans un mouvement qui peut s’avérer délétère : saigner le malade pourrait le tuer.

Le risque de voir partir les meilleures compétences.

Tout d’abord pour l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), basé sur des départs contraints, traumatise une organisation en la mettant sous tension, voire en la paralysant en partie, pendant un à deux ans. Pour surmonter une crise, une entreprise a besoin de mobiliser, de rassembler et non de diviser..

Il faut aussi considérer que le retour sur investissement d’une réduction lourde d’effectifs n’est positif qu’à court terme. Le risque est de voir partir, par le PSE ou démotivation, les meilleures compétences, celles qu’on a mis des années à recruter,. former et fidéliser. Et ce sont ces compétences qui manqueront cruellement quand la conjoncture s’améliorera. L’entreprise, dont l’image employeur aura été abîmée par son plan social, devra tenter de recruter massivement ceux dont elle s’est séparée, dans des conditions difficiles et coûteuses..

Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux joueront eux aussi leur rôle de frein potentiel. Surtout, quand les réductions d’effectifs ne sembleront pas justifiées économiquement. Parallèlement, un afflux massif de salariés à Pôle Emploi pourrait conduire à une augmentation du coût d’un plan social : les pouvoirs publics exigeront sans doute un accompagnement social exemplaire et de grande qualité, comme des congés de reclassement longs et généreux, pour donner aux salariés licenciés une chance de retrouver un travail, dans un marché difficile. Un PSE pourra coûter plus que les montants par salarié évalués actuellement. Sans tenir compte des coûts liés à la désorganisation de l’entreprise et la déstabilisation de ceux qui restent dans l’entreprise..


Des outils pour faire face à une baisse d’activité.

Si des ajustements d’effectifs, liés à l’impact durable de la crise actuelle sur des activités spécifiques, seront inévitables, il convient sans doute de ne pas se lancer dans des plans sociaux massifs de façon précipitée. Les conséquences de la crise du Covid-19 sont impossibles à prévoir, de l’aveu-même des meilleurs économistes. Quel sera l’état de l’économie mondiale, de ses différents secteurs, dans un an ou deux ? Il est aussi difficile de recruter que de licencier et ceux qui auront été capables de mesure, de patience et de clairvoyance aujourd’hui seront, sans doute demain, les grands gagnants de la reprise..

Cette crise sanitaire et déjà économique n’a pas de précédent. Peut-être faut-il en profiter pour la traiter de façon nouvelle et innovante, en utilisant des outils qui permettent de faire face à une baisse d’activité : la modulation du temps de travail, la mobilité interne, l’accroissement des compétences des salariés pour leur donner de nouvelles missions ou les affecter à d’autres activités moins touchées par la crise….

Les entreprises pourront et devront s’appuyer sur leurs partenaires sociaux pour coconstruire, par un dialogue social transparent, les solutions qui permettront d’éviter les licenciements. L’accord de performance collective, introduit récemment et encore sous-exploité, pourrait ici s’avérer plus que pertinent. Si le jour d’après ne sera pas le jour d’avant, l’essentiel est que l’entreprise malade ne devienne pas durablement handicapée.